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الخميس، 27 يناير 2011


PROVINCE D’IFRANE

Face au carnage du cèdre de l’Atlas qui se poursuit : L’adjudication de la honte !

Écrit par Mohamed EZZINE

C’est aujourd’hui mercredi que se tiendra à Ifrane l’adjudication publique pour la cession de produits forestiers organisée annuellement par le Haut Commissariat aux Eaux et Forêts avec comme fait nouveau le volume grave du reste bois de cèdres volés mis en vente. Issus de la «La tuerie de Senoual» au cours de laquelle plus de 4000 arbres de cèdres endémiques ont été abattus illégalement, ce «bois de la honte» est révélateur du degré des déficiences de la gestion du patrimoine forestier en l’occurrence dans la province d’Ifrane et dont les responsables contemplent apathiques la disparition programmée de la cédraie nationale
L’image est affligeante : en face du poste forestier de Bekrit (environ 50 km d’Azrou), une centaine de billes de bois de cèdres en grumes ou façonnés s’entassent depuis des mois. Un spectacle odieux dans un paysage enchanteur. Dans ce « cimetière du cèdre » où une entreprise privée continue de déposer ce qui reste en bois issus du carnage dont ont été victimes de milliers d’arbres de cèdres vifs dans la forêt de Senoual, un silence religieux prédomine et la cruauté est sans appel. Nos interlocuteurs dont des forestiers qui ont tous souhaité l’anonymat sont unanimes pour dire que «c’en est trop». Les chiffres sont aussi cruels : d’après le rapport de ratissage de la commission régionale de novembre 2009, le volume du bois d’œuvre de cèdres laissés sur place relatifs aux délits est de 9000 m3, au juin 2010, il est 18000 m3 pour un volume total du bois abattu de l’ordre de 36000 m3, soit environ 4000 arbres. Ces statistiques et le volume mis en adjudication, presque 4800 m3 pour seulement 11 lots, ajoutés à cela environ 2400 madriers de bois de cèdres saisis par les forestiers, permettent, même aux néophytes, de mesurer l’étendue de cette catastrophe écologique sans précédent dans les annales forestières marocaines. D’autant plus que tout ce trafic mafieux se concentre sur une forêt classée «site naturel géré» et qui fait partie du parc national d’Ifrane qui dans le papier et comble d’ironie est un espace fortement protégé

Pis encore, selon nos confidences, il ne s’agit là que de la partie visible de l’iceberg puisque les coupes délictueuses continuent à sévir dans la forêt de Senoual et dans toute la cédraie de la province d’Ifrane et de Khenifra. Depuis environ trois ans, «la courbe de l’abattage clandestin (?) du cèdre, elle, n’est pas en V mais en W, ce qui rend la situation préoccupante», déplore Thami Lahrari, membre du Conseil Régional de Meknès-Tafilalt et ex-président de la C.R de Sidi El Mekhfi. Evoquant la responsabilité des forestiers, M. Lahrari, n’y va pas par le dos de la cuillère en critiquant la démarche atone et sans effet du Département de El Hafi arguant qu’«il est inacceptable que certains fassent aujourd’hui semblant d’être surpris». «Aux multiples réclamations que nous avons adressées, preuves à l’appui, les responsables forestiers répondent en nommant souvent des forestiers qui méconnaissent le terrain au lieu d’extirper le mal de ses racines», s’indigne Anasi, un militant associatif de Ain Leuh. Il faut dire que depuis des années, les scandales de l’abattage des cèdres relayés souvent par la presse ont toujours été au fronton des dénonciations de la population locale. Face à ce carnage du cèdre qui se poursuit et devant la démission des autorités compétentes, la population s’organise qui, à travers des associations de protection de la forêt en organisant et les sit-in et les marches de protestations, qui, à travers de groupes d’interventions, une sorte de milices civiles vertes prêtes à intervenir en pleine forêts. Mais sans aucun résultat palpable. En effet la a situation s’empire de plus en plus et les sanctions de quelques responsables forestiers sont apparentés à de la poudre aux yeux. Puisque le nombre de délits ne font qu’augmenter, que le bois de cèdres volés circule et se vend au nez et à la barbe des forces de l’ordre (forestiers, gendarmes, caïds et autres auxiliaires….)

La mafia, maître des lieux
Fait nouveau aussi, les exploitants forestiers qui ont souvent été indexés pour leur complicité dans des affaires forestières louches sortent de leur cocon et crient au scandale. «Le bois d’œuvre volé inonde toutes les villes et à des prix imbattables. A Marrakech ou dans d’autres villes, des ateliers de menuiserie se sont transformés en de véritables scieries du bois de cèdre de l’atlas volé et le phénomène prend une ampleur inquiétante», témoigne un exploitant qui a plaidé pour le boycott de l’adjudication de ce mercredi. Une action par laquelle, il souhaite attirer attention de «tout le monde» sur ce scandale afin de «faire bouger les choses»
Du coté de l’administration dont le directeur provincial d’Ifrane n’a trouvé de mieux que de nous poser un lapin pour un rendez-vous fixé pourtant en commun accord, c’est comme toujours un climat paradoxalement glacial au vu du brasier dans lequel se trouve l’état de la cédraie du Moyen Atlas. Un technicien forestier qui a insisté sur son anonymat n’a pas lésiné sur les mots pour qualifier de «mépris» et de «décevante», l’attitude et la réaction des pouvoirs publics qui, selon lui, ne semblent pas, mesurer la gravité de la situation. Plus encore, il dénonce comme tant d’autres, l’administration concernée « réduite à nettoyer et à ramasser le bois abandonné par les délinquants au lieu de réfléchir à une stratégie exceptionnelle pour parer à ce massacre écologique exceptionnel»
Certes, les pouvoirs publics devraient aussi battre leur coulpe : dans le domaine forestier en effet, l’absence de volonté politique est palpable à tous les niveaux et la préservation des forets ne semble pas encombrer les discours de nos édiles
Certes aussi on en finirait pas d’inventorier les nombreuses défaillances qui ont conduit à ce drame écologique. Ce drame qui continue et illustre l’incurie criminelle de certains responsables et qui est synonyme d’un système mafieux qui devient aujourd’hui la maître incontestée des lieux et qui s’est blindée dans sa carapace pour laisser le moindre de places aux états d’âmes. Il y’a deux ans, jour pour jour, on peut lire sur Al Bayane (cf, édition du 23/1/2009) sur une affaire liée à l’abattage du cèdre à Senoual, «il est légitime de s’interroger sur ce qui contrôle quoi dans les forêts d’Ifrane. Il renseigne (le drame) aussi sur l’étendue du cercle de la mafia du cèdre de l’Atlas. Une mafia, avec ses codes, ses sites, ses planques, ses prête-noms, son organisation, ses parrains…Qui peut sérieusement croire en effet que les auteurs de ces crimes agissent seuls. Sans la complicité ou la duplicité-de dizaines, centaines d’intervenants…Les mêmes propos et les mêmes interrogations sont toujours d’actualité. En attendant et à l’image du lion de l’Atlas chassé de son habitat naturel, les gestionnaires de la forêt marocaine donnent l’impression d’être, eux aussi, contraints à l’exil dans les salons feutrés de Rabat. Avec comme passe temps, le calcul des gains générés par le bois des délits mis en adjudication. Et c’est ainsi que demain d’autres crimes écologiques auront lieu

Réf. journal AL BAYANE N°10997 du mercredi 26janvier 2011
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