La mise hors d’état de nuire d’une bande criminelle
spécialisée dans le vol de bétail et le trafic de la viande rouge, dont six
membres ont été arrêtés lundi matin par la gendarmerie d’Azrou alors que six
autres sont en fuite, délie les langues et met en lumière l’insécurité qui
règne dans la campagne de la province d’Ifrane
Un banal contrôle effectué par la gendarmerie dans
un point de sécurité à la sortie du village Ait Amr Ou Ali, à environ 10
kilomètres de la ville d’Azrou, a permis de lever le voile sur un
important trafic de viande rouge et du vol de bétail organisé au niveau du
ranch Adarouch, site d’élevage des bovins de renommée internationale. Et
mettre ainsi le grappin sur les têtes pensantes d’une bande organisée et d’un
réseau criminel hiérarchisé
Les faits révélés font état, selon la
gendarmerie, de la saisie d’une voiture transportant presque 1000 KG de
viandes rouges et les carcasses de deux taurillons tués par balles au niveau
de la tête. Toujours selon nos sources, la viande des taurillons abattus par
armes à feu et appartenant au cheptel du ranch Adarouch serait destinée à la
vente sur les étals des bouchers d’Azrou et environs. L’enquête menée par les
limiers de la brigade de la gendarmerie d’Azrou a permis l’arrestation de
six personnes dont le chef présumé et la tête pensante de cette bande
qui n’est autre que le soi-disant chef de sécurité du ranch, un certain M.M,
ex-élu local, en plus d’un boucher et des rabatteurs dont six, en fuite, sont
activement recherchés
Réseaux mafieux
D’après les premières révélations, le mode
opératoire des voleurs est simple mais cruel. Réalisé de nuit, il est
toujours le même : les bêtes sont repérées sur des parcelles isolées et la
nuit des groupes de tueurs armés de fusils les abattent d’une balle dans la
tête afin de préserver la viande. Certains des taureaux «exécutés» sont
traités sur place, d’autres découpés en partie avant d’être écoulés sur les
marchés des villes avoisinantes
Site d’élevage des bovins de la race Santa Gertrudis
importée de Texas, le ranch Adarouch, créé en 1969 et propriété aujourd’hui
de l’homme d’affaires Othmane Benjelloun après sa privatisation en 1999, est
la cible des voleurs encouragés aussi par le mode d’élevage suivi, à savoir
des animaux (environ 6000 têtes) vivant en liberté sur les immenses pâturages
du ranch de 12.000 hectares. A cela s’ajoute la complicité, comme dans cette
affaire, des responsables du ranch
D’après des habitants de la région d’Adarouch, «le
vol de bétail et les attaques sur le cheptel bovin par des groupes armés est
devenu fréquent et connait une recrudescence inquiétante.» «Nous vivons dans
la psychose et l’insécurité», s’indigne B. Moha, un éleveur de la région qui,
plusieurs mois auparavant, a découvert une flaque de sang au lieu et place de
sa génisse. «C’est exaspérant», ajoute son fils qui se dit «fréquemment
ébranlé par les coups de feu qui retentissent dans le ciel d’Adarouch
Selon des observateurs, la région d’Adarouch se
transforme, de plus en plus en un no man’s land où règne l’anarchie,
l’insécurité et devient l’eldorado des bandes mafieuses, encouragées et
protégées par des responsables sans scrupules, dictant leurs lois et
agissant en toute impunité
D’aucuns estiment en effet que la récente affaire du
vol de bétail n’est que la partie visible de l’iceberg. Foyer de tensions
depuis l’expropriation des terres des tribus autochtones au profit du ranch,
soit environ 12000 hectares, la région est la plus frappée par la
marginalisation ce qui a favorisé la génération d’un banditisme de désespoir
inquiétant
Aux responsables donc de prendre les
taureaux par les cornes et d’agir en conséquence. En attendant, les
voleurs sont dans le pré
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